La pensée de Charles Fourier (1772-1837) est stimulante par son originalité, ses exagérations, ses extravagances voire par ses contradictions. « Casse-cou utopiste », comme il dit de lui-même, il ne craint pas d’aller à contre-sens des évidences de son époque. Sa dénonciation des « faux prodiges » de la société industrielle, qui enrichit et appauvrit, « donne les éléments du bonheur mais pas le bonheur » le rattache ainsi vigoureusement à l’idée de décroissance.
Visionnaire lorsqu’il fait la critique de « l’économisme » ou quand il dénonce les dysfonctionnements du commerce, facteur de surproduction et de gaspillage, Fourier propose des substituts à cette organisation sociale et économique défaillante. Sans supprimer propriété et classes sociales, il propose d’autres formes d’associations domestiques, agricoles et industrielles qui sont autant de solutions inédites de vie collective.
Sans nier ses outrances ou ses tendances à l’hyper-organisation sociale, Chantal Guillaume rappelle que Fourier est le contemporain de la naissance du capitalisme thermo-industriel, dont il envisage en visionnaire les effets, les impasses et les limites. Il apparaît ainsi comme l’inventeur d’une pensée en contre-marche de celle qui domine les esprits de son temps.