En janvier 1905, l’atroce exécution d’un « indigène » par deux administrateurs coloniaux en Afrique équatoriale est révélée par la presse et fait grand bruit à Paris. Pour éteindre le scandale, l’explorateur et héros de la colonisation, Pierre Savorgnan de Brazza, est envoyé en inspection au Congo français. Sa mission : démontrer le caractère isolé de cet événement et prouver que la gestion de la colonie est exemplaire.
Loin de l’œuvre civilisatrice vantée en métropole, il découvre un territoire à la merci des sociétés privées, des ressources pillées et une population asservie. Scandalisé, Brazza livre contre toute attente un rapport à charge contre le système colonial… qui ne sera jamais rendu public : le rapport Brazza devient un secret d’État.
Oublié aux Archives nationales d’outre-mer, il est redécouvert dans les années 1960 par l’historienne Catherine Coquery- Vidrovitch. Sa publication, un siècle plus tard, dévoile les heures sombres de l’histoire coloniale française.
Un document de référence, accablant, remarquablement présenté.
Le Monde des livres
La bombe Brazza. Voici l’enquête inédite commandée en 1905 par la République française à Pierre Savorgnan de Brazza. Au moment où l’État belge subit les foudres de l’opinion pour la violence de sa colonisation, la France avait réclamé cet audit au grand explorateur, qui trouva la mort dans cette dernière mission. Ce qu’elle révèle de l’influence des intérêts privés dans la politique coloniale, ou de l’affaire des « femmes de Bangui », jugé explosif, ne fut jamais rendu public. Grâce à l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, voilà qui est fait. Brazza peut reposer.
Christophe Ono-dit-Biot, Le Point
Pendant deux mois, une commission chargée de rédiger le rapport final travaille d’arrache-pied, mais celui-ci ne sera jamais rendu public. Trop scandaleux. Le voici publié pour la première fois. Qu’avait mis au jour Brazza de si dérangeant ? Il avait montré, comme le dit la préfacière Catherine Coquery-Vidrovitch, que « les abus, nombreux et fréquents, n’avaient rien d’exceptionnel ». […] Le message est clair : on a livré un pays entier à la voracité d’intérêts privés, et l’administration ferme les yeux sur les crimes que commettent ces prédateurs. Et dire que la loi du 23 février 1905 a failli comporter un article sur les «effets positifs» de la colonisation…
Jean-Luc Porquet, Le canard enchaîné
Outre les crimes commis chaque jour contre les colonisés, le rapport donne à voir la réalité et l’arbitraire du régime économique mis en place par la colonie, qui s’accompagne de la prise d’otages de femmes et d’enfants qu’on affame pour obliger les hommes à récolter le caoutchouc. Le texte est parfois aride par ses considérations économiques – sur la perception de l’impôt en nature, par exemple -, mais son intérêt est aussi d’être un document de première main, qui rend visibles les choix racistes opérés dans sa rédaction : privilégier le discours des colons administrateurs au détriment de la parole des colonisés. Les crimes et les exactions du régime colonial n’étaient pas des exceptions, c’était le régime de droit commun. Et ce constat, qui peine à s’imposer à tous aujourd’hui encore, a pourtant été fait par l’administration française dès 1905.
Alternatives économiques
Oublié de l’histoire africaine, le rapport rédigé en 1905 par Savorgnan de Brazza, qui jette un jour cru sur les abus du pouvoir colonial et de divers entrepreneurs (notamment autour de l’exploitation du caoutchouc) au sein du Congo Français. Un texte sulfureux, qu’on croyait perdu, et que l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch vient d’exhumer des archives d’outre-mer.
Tout un monde, France culture