« Tous les hobbies se pratiquaient sur les toits. L’intérieur des bâtiments était sordide, en général. Apparemment ça ne dérangeait personne. Vivre et laisser vivre ; et quand les choses débordaient sur la rue, il y avait les mécabalais. D’ailleurs, le camion-repas était lui aussi une balayeuse, mais celle-ci avait été modifiée pour distribuer de la nourriture. Elle scannait les cartes et délivrait des aliments infracuits spécialement programmés en fonction des besoins diététiques de chacun. L’ordinateur était bienveillant. Tout le monde mangeait bien, même si ce n’était qu’une fois par jour. »
Dans un Harlem futuriste, des habitants, tous noirs, sont parqués dans des immeubles sordides. Des ordinateurs leur procurent nourriture et fournitures, juste le nécessaire pour survivre et inhiber le sentiment de révolte. Et si des émeutes surviennent, des chars automatisés et des robots policiers les étouffent rapidement à coups de gaz lacrymogènes…
Cette nouvelle, publiée en 1972 aux États-Unis et traduite pour la première fois en français par Dominique Bellec, a valu à son auteur la place de finaliste au prix Astounding du meilleur nouvel écrivain.
Bien que court et daté d’un point de vue purement science-fictif (mais pas d’un point de vue social) c’est un texte que j’ai beaucoup apprécié. Il possède une voix intérieure singulière et tout à fait pertinente au regard de son format et de ses thématiques, s’offrant même le luxe de réserver des surprises. Notons que pour pleinement apprécier Le Soulèvement des pigeons, il convient de le lire en écoutant The Revolution will not be televised sur l’album Pieces of a Man (1971) du poète et musicien précurseur du rap Gil Scott-Heron.
L’épaule d’Orion
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Jesse Miller imagine avec Le soulèvement des pigeons une société de domination racialisée, qui navigue entre paradis et enfer, où la résignation confortable le dispute à la contestation dissidente. C’est une profonde réflexion sur la volonté des peuples de contrôler leur destin, d’être libres et indépendants, de se lever pour combattre et renverser l’oppresseur. C’est aussi une incitation à se questionner sur ce qui fait de chacun de nous des meneurs, des suiveurs, des soumis ou des indignés, des dominants ou des dominés, des opprimés ou… des oppresseurs !
Julien Amic, Les carnets dystopiques
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Ce livre, la nouvelle et le texte explicatif, nous rappelle inévitablement la situation que nous avons connue tout récemment avec les émeutes de la jeunesse dans les quartiers populaires de nombreuses villes en France. La légitimité de la colère contre le racisme et l’exclusion tout comme le mépris du gouvernement qui, on l’a vu ces derniers jours, se situe dans une véritable guerre de classe des dominants contre les pauvres, ayant seulement des réponses répressives. Pas compliqué de faire de l’anticipation : tant qu’il y aura de la misère et du racisme, du mépris et de l’injustice, il y aura de la révolte insurrectionnelle contre la domination insupportable pour qu’un jour le monde change vraiment, c’est la seule issue. En attendant, les nouvelles comme celle de Jesse Miller sont chouettes à lire.
Philippe Poutou, L’Anticapitaliste
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Lecture terminée de cette nouvelle SF d’un auteur afro-américain des années 1960-1970 très peu connu. Il s’agit de la première traduction de l’un de ses textes et c’est très pertinent !
Anaëlle, librairie Litote en tête, Paris
Écrit dans les années 70 par un auteur bien mystérieux, Le soulèvement des pigeons est une dystopie qui saisit. Critique d’une société futuriste, mais peut-être encore plus de la versatilité humaine.
Librairie L’oiseau rare, Strasbourg
L’auteur explore les implications sociales et politiques d’une smart city dans un contexte de racisme systémique, en en faisant des prisons à ciel ouvert. L’ambiance est assez étrange, on ne sait pas trop où Le soulèvement des pigeons va nous emmener, et je dois dire que la fin m’a laissée un brin perplexe. Pourtant, je l’ai trouvée en même temps percutante dans ce qu’elle dévoile de cette dystopie finalement pas si convenue qui interroge notre individualité, notre capacité à nous rebeller, ou au contraire à suivre et laisser faire.
Les Pipelettes en parlent
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En s’attaquant à la question de la domination blanche, la nouvelle de Jesse Miller, Le Soulèvement des pigeons (« Pigeon City »), écrite dans les années 1970 et traduite pour la première fois en français, demeure dramatiquement d’actualité.
Jeune Afrique
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